Rupture du contrat à l’initiative du salarié, prise d’acte et résiliation judiciaire

29 novembre 2021

Dans une décision du 30 septembre 2021, le Conseil de Prud’hommes de Paris a rappelé la différence entre une résiliation judiciaire et une prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Une salariée revenant de congés de fin d’année a trouvé la porte de son entreprise close. Pendant plusieurs jours, sans travail, elle a demandé à sa supérieure hiérarchique des nouvelles, en vain. Elle s’est faite arrêter médicalement et apprendra que la société qui l’employait a cédé son activité à une autre entreprise.

Étrangement, pendant son arrêt, la salariée s’est faite convoquer à un entretien préalable à un licenciement auquel l’employeur ne donnera pas suite. La salariée enverra un énième courrier de mise en demeure pour déplorer sa situation et faire part de reproches relatifs notamment au maintien de son salaire alors qu’elle se tenait à disposition pour travailler, au paiement des indemnités journalières pendant son arrêt (dont le versement est soumis à une démarche de l’employeur) et à la nécessité d’organiser une visite médicale de reprise.

Sans réponse de l’employeur, la salariée saisit en référé le Conseil de Prud’hommes qui condamnera l’employeur au versement d’une partie seulement de son salaire mais sans se prononcer sur la rupture du contrat.

Parallèlement, la juridiction est saisie au fond d’une demande principale de résiliation judiciaire et d’autres demandes salariales et indemnitaires.

Mais la nouvelle société repreneuse a été placée en liquidation judiciaire juste avant l’audience de conciliation faisant donc intervenir les organes de la procédure et rendant la phase amiable sans objet.

Par la suite, le mandataire liquidateur a décidé de procéder au licenciement économique de la salariée avant que l’audience ne soit évoquée devant le bureau de jugement.

La procédure étant maintenue, le Conseil a dû se prononcer sur la demande initiale de la salariée, à savoir la demande de résiliation judiciaire.

En défense, la société estimait que le courrier de mise en demeure reçu de la salariée constituait une prise d’acte de la rupture du contrat de travail et donc que, le contrat étant rompu :

  • les demandes salariales et indemnitaires afférentes aux périodes postérieures à la rupture n’étaient pas justifiées ;

  • la salariée ne pouvait plus saisir pour une demande de résiliation judiciaire du fait de cette rupture.

 

Mais l’interprétation à dessein par l’employeur du courrier de la salariée, comme étant une prise d’acte, était risquée.

Ce courrier était en effet sans équivoque puisque son objet était le suivant : « résiliation judiciaire – rupture contrat du travail ». A aucun moment n’était mentionné dans le courrier la volonté d’une prise d’acte

D’ailleurs, paradoxalement, bien après cette prétendue prise d’acte, la salariée a été licenciée pour un motif économique (nous rappellerons qu’en droit du travail, « rupture sur rupture ne vaut »)

Après lecture de cette mise en demeure, le Conseil de prud’hommes a considéré logiquement dans son jugement du 30 septembre 2021 que l’interprétation de l’employeur devait être écartée.

Il a estimé que le courrier de la salariée ne pouvait s’analyser en une prise d’acte pour ensuite considérer que le contrat de travail devait bien être résilié, aux torts de l’employeur.

En définitive, cette décision permet de revenir sur la distinction entre la résiliation judiciaire et la prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Bien que ces deux modes de rupture, à l’initiative du salarié seul, doivent reposer sur des faits suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, des différences majeures existent.

Dans le cas de la prise d’acte, la seule notification à l’employeur emporte rupture du contrat alors que pour la résiliation judiciaire, il appartient au juge saisi par le salarié d’apprécier la gravité des fautes reprochées à l’employeur avant de rompre ou non le contrat. Le contrat de travail se poursuit si le salarié n’obtient pas sa résiliation judiciaire ce qui peut être vu comme une solution prudente par rapport à la prise d’acte qui rompt définitivement et sans retour en arrière possible le contrat de travail.

Néanmoins, la lenteur de la procédure prud’homale, qui dure plus d’un an, ne permet pas d’opter pour ce mode de rupture lorsque la situation du salarié nécessite une réponse rapide.

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