Mise en place du Comité Social et Économique (CSE) pour les établissements distincts : rappel des critères.

18 mars 2020

Par un arrêt du 11 décembre 2019, la Cour de cassation a rappelé l’importance du critère d’autonomie dans la gestion du personnel et l'organisation du travail pour déterminer un établissement distinct imposant la mise en place du CSE.

 

Rappel des faits et de la procédure

Un employeur a entrepris des négociations avec les partenaires sociaux en vue de mettre en place un ou plusieurs comités sociaux et économiques (CSE).

Devant l’échec des négociations, l’employeur, une mutuelle, a alors décidé unilatéralement de mettre en place trois CSE, correspondant selon lui aux trois secteurs d’activité dans lesquels il exerce.

Cette décision a été contestée par les organisations syndicales devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le DIRECCTE), qui a fixé à vingt-quatre le nombre de CSE à mettre en place.

L'employeur a saisi le tribunal d'instance pour faire constater qu’il n’existe au sein de la mutuelle que trois établissements distincts de sorte qu’il ne peut y avoir plus de trois CSE. Subsidiairement, il soutenait qu’un seul CSE devait être mis en place.

Le tribunal d’instance a estimé qu’il n’existait pas d’établissements distincts au sein de la mutuelle en raison d’une centralisation de « fonctions support et l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ».

Les juges du fond ont constaté que certes, l'organigramme de l'entreprise révèle une organisation par délégation et subdélégation de pouvoir.

Que ces délégations concernent des domaines de compétences variés, allant jusqu’au transfert de la responsabilité pénale au délégataire.

Mais de façon concrète, les directeurs de site, bien qu’ayant un rôle en matière de gestion du personnel, devaient respecter les procédures définies au niveau de l'entreprise.

Ils participaient à la définition des orientations générales de l'entreprise et la transmettent au sein de leur filière, mais n'exerçaient pas les pouvoirs effectifs propres à leur conférer une autonomie de gestion ; d'ailleurs certaines fonctions support sont centralisées au niveau du siège.

Le tribunal en a donc conclu qu’il n’y avait pas d’établissement distinct et que par conséquent la représentation du personnel devait s’exercer au sein d'un seul et unique comité social et économique.

Les syndicats ont alors formé un pourvoi en cassation.

Statuant au visa des articles L. 2313-4 et L. 2313-5 du Code du travail, la chambre sociale de la Cour de cassation a repris les constatations du tribunal d’instance mais n’en a pas tiré les même conclusions.

En effet, elle a jugé que «  la centralisation de fonctions support et l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège [n’étaient] pas de nature à exclure l'autonomie de gestion des responsables d'établissement ».

Elle a censuré les juges du fond qui ne se sont fondés que sur cette centralisation alors que pourtant ils avaient constaté « l’existence de délégations de pouvoirs des chefs d’établissement dans des domaines de compétence variés et d’accords d’établissement ».

Par conséquent, il étaient ainsi tenus de rechercher « au regard de l’organisation de l’entreprise en filières et en sites le niveau caractérisant un établissement distinct au regard de l’autonomie de gestion des responsables ».

 

L’identification d’établissements distincts imposant la mise en place d’un CSE

 

Cet arrêt de la Cour de cassation, publié au Bulletin, rappelle les critères permettant de caractériser l’existence d’un « établissement distinct » et donc la mise en place d’une CSE.

Pour rappel, le CSE est l’unique instance représentative du personnel qui succède aux anciennes instances qu’étaient le délégué du personnel, le comité hygiène sécurité et conditions de travail (CHSCT) et le comité d’entreprise.

Progressivement mis en place à compter du 1er janvier 2018, tout employeur qui atteint le palier de onze salariés est censé, depuis le 1er janvier 2020, avoir un comité social et économique (CSE).

Le CSE peut être mis en place :

  • au niveau de l’unité économique et sociale (UES) comme c’était le cas auparavant pour le comité d’entreprise ;
  • au sein d’une entreprise, lorsqu’il existe des établissements distincts, au niveau de ces derniers.

Pour cette mise en place au sein des établissements distincts d’une entreprise, il est donc important de déterminer les critères d’identification de ces derniers.

L’article L. 2313-4 du code du travail, énonce que le CSE doit être mis en place à travers une négociation, par accord collectif, et ce n’est qu’à défaut d’accord que l’employeur peut fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts. Cette détermination unilatérale se fait « compte tenu compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel. »

Ainsi, dès lors qu’un établissement au sein d’une entreprise remplit ce critère d’autonomie de gestion, et qu’il accueille au moins onze salariés, il a alors vocation à disposer d’un CSE.

La jurisprudence en la matière tend à reconnaître l’existence d’un établissement distinct dès lors qu’il existe une communauté de travail ayant des revendications propres, mais, sous réserve du critère déterminant de l’autonomie dans la gestion du personnel et dans l'organisation de l'activité, en insistant sur les pouvoirs du responsable d’établissement.

Ainsi, il a été précédemment jugé qu’un établissement distinct était caractérisé lorsqu’il présentait « notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont [disposait] son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service » (Cass. Soc., 19 décembre 2018, n° 18-23655).

De même, l’autonomie pouvait être caractérisée malgré que « les décisions importantes restaient de la responsabilité de la direction de la société » (Cass. Soc., 16 janvier 2019, n° 17-21830).

L’arrêt commenté s’inscrit dans cette lignée jurisprudentielle en faisant application des règles sus-énoncées.

Mohamed SALAMA
Juriste

Anthony CHHANN
Avocat au Barreau de Paris