Licenciement d'une salariée en arrêt maladie : un employeur condamné à payer plus de 100.000 euros.

17 février 2020

La Cour d’appel de Paris a reconnu que le licenciement pour une absence injustifiée de la salariée, infirmière diplômée d’État, était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Arrêtée par son médecin traitant pour deux maladies simples, les arrêts de travail de la salariée avaient effectivement pris fin pour une des maladies, mais elle était toujours arrêtée pour l’autre maladie…

Par un arrêt du 6 novembre 2019, la Cour d’appel de Paris a donc condamné la SAS Hôpital Européen de Paris GVM Care & Research aux sommes suivantes :

  • 77 285,28 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • 6 440,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
  • 520,35 euros au titre des congés payés afférents ;
  • 33 871,17 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
  • 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Rappel des faits et de la procédure

La salariée a été embauchée en contrat à durée indéterminée en 1991 avec reprise d’ancienneté au 26 novembre 1979 en qualité d’infirmière diplômée d’État.

Elle a été licenciée pour faute grave le 16 juin 2015, soit après 35 ans d’ancienneté, pour une absence injustifiée.

L’employeur lui reprochait de ne pas avoir repris son poste alors qu’elle n’était plus en arrêt maladie.

Le 3 août 2015, l’ancienne infirmière a saisi le Conseil de prud’hommes de Bobigny afin de contester son licenciement.

Le Conseil de prud’hommes lui a donné raison et l’employeur a interjeté appel du jugement rendu.

 

Décision de la Cour d’appel sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’employeur justifiait sa décision par un prétendu abandon de poste en s’appuyant, de manière erronée, sur un certificat médical final pour déduire que l’arrêt de travail de la salariée avait pris fin.

Il motivait également le licenciement par une mise en demeure de reprendre son poste, restée selon lui lettre morte, puis par l’absence de la salariée à l’entretien préalable au licenciement.

La procédure s’est donc poursuivie jusqu’au licenciement de l’infirmière.

Lorsque la salariée a rappelé par écrit qu’elle était arrêtée pour deux maladies différentes et que la consolidation n’avait eu lieu que pour une affection, de sorte qu’elle était toujours arrêtée pour l’autre, il était déjà trop tard…

En effet, le certificat médical final, délivré comme son nom l’indique en fin d’arrêt de travail, ne concernait qu’une seule maladie.

L’employeur ne pouvait l’ignorer et la Cour le confirme en déclarant le licenciement irrégulier.

Elle a classiquement fondé sa décision au visa de l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui prévoit les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Elle a précisé que :

Les premiers juges avaient à bon droit « considéré que la salariée, qui souffrait de deux pathologies prises en charge au titre de la législation professionnelle et bénéficiait pour ces raisons d’arrêts de travail [dont l’un a été prolongé] ne pouvait se voir reprocher d’être en absence injustifiée, alors qu’elle a au surplus justifié à réception de la mise en demeure de l’employeur de la réalité de son arrêt de travail pour maladie ».

Elle a approuvé le Conseil de prud’hommes de Bobigny qui a jugé que le « défaut de réaction [de la salarié vis-à-vis de l’entretien] [procédait] à tout le moins d’une négligence fautive, celle-ci ne [caractérisait] pas une faute de nature à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ».

C’est la raison pour laquelle la Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement « en toutes ses dispositions relatives à la rupture, qu’il s’agisse de l’appréciation du préjudice subi par la salariée du fait du licenciement illégitime sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code de travail, que des indemnités de rupture correspondant à ses droits ».

La présente décision intéressera plus particulièrement les employeurs dans la mesure où elle permet de préciser les contours de la notion de « faute grave » en matière de licenciement dans les circonstances particulières d’un arrêt maladie.

Mohamed SALAMA, juriste et Anthony CHHANN, Avocat à la Cour